Accueil Culture Rencontre avec le réalisateur suisse Richard Dindo au Rio : La métaphore dans l’œuvre du maître du cinéma poétique suisse

Rencontre avec le réalisateur suisse Richard Dindo au Rio : La métaphore dans l’œuvre du maître du cinéma poétique suisse

 

Avec le soutien de l’ambassade de Suisse en Tunisie et dans le cadre de la 9e édition du Festival international de la poésie de Sidi Bou Saïd (25-28 avril 2024) dirigé par le poète Moëz Majed, en collaboration avec la poétesse Emna Louzyr, une rencontre a eu lieu avec le maître du cinéma poétique suisse Richard Dindo ainsi que la projection de ses deux documentaires «Gauguin à Tahiti et aux Marquises» et «Genet à Chatila», le 1er mai à la salle Le Rio à Tunis.

Né en 1944 à Zürich, Richard Dindo est un autodidacte en tant que cinéaste. Lors du débat avec le public, le réalisateur, homme avenant, curieux et chaleureux, affirme que c’est par la littérature, la poésie et la philosophie qu’il s’est éduqué tout seul à travers la lecture des écrivains et poètes qu’il aime. Sous l’apparence simple des images qu’on a vues se dérouler sur le grand écran, il y a des métaphores à détecter et à interpréter. 

Richard Dindo dit vouloir mettre en image et en musique l’identité, la vérité et la pensée philosophique de l’auteur qu’il présente. Afin de rendre possible cette mission dans un film, il a fallu la subtile sensibilité et la justesse du regard d’un réalisateur comme lui.

Dans le film «Gauguin à Tahiti et aux Marquises» 2010 (68 mn), les paysages d’une nature sauvage et luxuriante où l’on goûte à la douceur de vivre alternent avec les œuvres peintes filmées dans la nature où elles ont été créées. La feuille végétale qui pend par-dessus le tableau peint de Gauguin bouge par l’effet du vent jusqu’à se confondre avec les motifs peints de même nature et même couleur. Par l’interaction entre la nature d’un côté et la couleur à l’huile de l’autre, il se passe quelque chose de magique.

Ces séquences vibrantes du documentaire nous font entrer dans l’essence de la peinture de Gauguin qui est saisi par cette terre et ses habitants. Richard Dindo rend les tableaux de Gauguin si vibrants qu’on dirait qu’il les a faits à l’instant. Les extraits choisis du journal du peintre parsèment sans pesanteur le film et on déambule allègrement. Une des phrases du peintre Gauguin tirée de ses carnets de voyage dit : «La couleur comme la musique est une vibration». Elle traduit qu’au-delà de la couleur et de la musique, tout est vibration, fréquence, comme l’est le rapport que l’on tisse entre soi et le film projeté. On éprouve de l’émotion sans pouvoir la cerner avec des mots, parce que justement le cinéma a son propre langage.

Quant au second long documentaire «Genet à Chatila» 1999 (98 mn) de Richard Dindo, le plateau du verre de thé ou de café servi qui jalonne la seconde moitié du documentaire pourrait bien être une métaphore. Se mettre en demi-cercle et siroter du thé est un rituel unificateur. Ce rituel du chaud breuvage est censé non seulement unifier mais consolider les liens des personnes de la même communauté endurant les mêmes souffrances. Il entretient leur résistance pour la même cause. Il faut savoir aussi que cette réfugiée palestinienne qui apporte le thé la nuit au visiteur devient une figure de mère pour l’homme Genet qui était orphelin et n’a jamais connu sa mère. Une métaphore de mère en quelque sorte.

Emouvante séquence d’introduction du film sur le camp de Chatila où des réfugiés palestiniens à Beyrouth sont montrés dans leur vérité lors d’un horrible massacre subi durant trois jours en 1982. Avec ce film dont l’idée est née à partir de sa lecture du livre de Jean Genet qui raconte son passage par Chatila, le réalisateur, Richard Dindo, rend justice à un peuple qui souffre depuis sept décennies et endure les pires épreuves. Les champs d’olivier, les olives que le film montre ne sont-ils pas la métaphore de l’aliment nourrissant, qui maintient en vie ? Il possède la couleur de la lumière. Espoir que l’olivier, ce symbole de paix, atteindra toute la Méditerranée actuelle.

Richard Dindo est un de ces réalisateurs vrais et droits dont l’intégrité esthétique et politique le pousse à rester fidèle au sujet traité et à son auteur Jean Genet, afin de rendre la vision la plus profonde de l’univers et du thème qu’il traite.

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